le plus jeune de la troupe. Les gens étaient drôlement
impressionnés. Mais parallelement, je m'intéressais aussi aux
compositeurs classiques.
Et
plus tard, tu as réalisé un rêve en devenant batteur de john
Lennon.
Exact, à vingt ans, j'ai joué avec Lennon à Toronto. L'album live
qui a découlé de ce concert (le fameux Live Peace in Toronto,
1969) a considérablement boosté ma carrière. J'aimais beaucoup
Ringo Starr, que j'ai d'ailleurs rencontré plusieurs fois. Lorsque j'écoutais
les Beatles étant môme, je ne m'imaginais pas, qu'un jour je
battrais derrière Lennon. Mes collaboration avec lui restent de très
grands souvenirs (il a joué, entre autre, sur le legendaire Imagine
NDLR).
L'histoire
de Yes est une vraie épopée, avec différentes époques et de nombreux
line-up.
C'est le moins que l'on puisse dire. Cela nous a valu une réputation
de groupe à géométrie variable. Beaucoup de musiciens sont venus,
repartis, puis revenus. Il y a de quoi perdre son latin. Pour
simplifier, on peut dire que Chris Squire et moi-même formons le
noyau dur, étant donné que lui est là depuis la toute première
heure et que je suis arrivé dans le groupe en 76 pour remplacer
Bill Bruford. C'est nous qui avons toujours porté le groupe contre
vent et marées.
Tu
es pote avec Bruford ?
Oui, je le connais même très bien. Je l'ai revu juste avant le
Full Circle Tour. Il tourne avec son groupe Earthworks dans les club
de jazz.
Parle
moi de ta collaboration avec lui, lors de la tournée d'Union de 91,
qui regroupait la plupart des musiciens ayant jalonné l'histoire de
Yes ?
Tout à fait. C'était vraiment intéressant. J'avais déjà joué auparavant
dans des configurations à deux batteurs, et je dois dire que ce
n'est pas un exercice facile. Il faut savoir être fair-play et
laisser à l'autre suffisamment d'espace pour créer sa musique. Il
faut que les deux musiciens soient très proches. Dans le cadre de
Yes, c'était d'autant plus difficile, parce que la musique est
sophistiquée. Avec Bill cela s'est toujours bien passé. Nous avons
travaillé dur sur certaines pièces, afin de bien définir nos rôles.
Je dirai que quand l'un de nous deux prenait le dessus, l'autre
réagissait comme un percussionniste. Tu sais, je jouais déjà
certains morceaux de cette tournée depuis quinze ans, et j'avais ma
propre façon de les appréhender. J'ai du sacrifier cela pour les réarranger
avec Bill. Pour jouer à deux batteries, il faut savoir pardonner.
Tu
utilises l'électronique ?
Oui, mais de façon assez sporadique. J'ai des pads sur scène pour
jouer des effets de cymbales inversées ou des gongs. Je lance aussi
certaines séquences, comme sur l'intro de "Owner Of A Lonely
Heart". Mais je n'ai pas poussé ce délire aussi loin que
Bruford, qui lui, est un maître en la matière.
Parallèlement
au Full Circle Tour, tu profites de tes jours «off» pour animer de
nombreuses master classes. C'est important pour toi ?
Oui, cela me permet d'aller à la rencontre d'autres batteurs et de
gamins qui ont soif d'apprendre et veulent comprendre mon parcours
de musicien. Je leur parle de ma philosophie, de ma pensée et de
mon attitude par rapport à l'instrument, de mon cheminement vers la
découverte de mon style. C'est une quête infinie. La musique ne se
résume pas à lire des partitions. C'est une chose organique, à la
limite de l'expression corporelle. Avoir le feeling est essentiel
pour un batteur qui a un rôle d'épine dorsale dans un groupe. Je
leur parle aussi de la respiration et de l'hygiène de vie
indispensable pour garder une bonne condition physique. Je suis dans
la cinquantaine, et la vie en tournée est parfois très rude et agitée.
Je dois être au top chaque soir, pour être «on the money» (éclats
de rires).
Abordes-tu
des questions de technique pure ?
Oui, j'ai appris différentes techniques. En les mélangeant, j'ai
trouvé mon truc. La qualité première d'un batteur est d'être
constant dans sa frappe. Il y a tellement de paramètres : la tenue
des baguettes, la disposition du kit, la position de jeu. Par
exemple j'utilise la double pédale de grosse caisse depuis une
quinzaine d'années, et là encore, j'en ai une approche perso, qui
est à l'opposée des batteur de heavy-metal. Je m'en sers pour
certains effets, par petites touches. Chacun doit essayer de trouver
sa voie.
Tu
dois savoir que tout le monde te confond avec Alan White, le batteur
d'Oasis. Ce n'est pas trop difficile à vivre ?
Cette histoire est complètement dingue. Je le répète encore :
nous n'avons aucun lien de parenté. J'ai une histoire vraiment
poilante à ce propos : J'étais en tournée au USA, et ma mère m'a
appelée effondrée d'Angleterre. Ses amis avaient lu dans la presse
que le batteur Alan White avait saccagé sa suite d'hôtel. J'ai du démentir
cet acte terroriste (rires) !
Ton
matériel ?
J'utilise un nouveau kit Ludwig, comprenant une grosse caisse de
22", des toms de 10",12",16" et 18", et une
caisse claire de 6,5" en bronze. Mes cymbales sont toutes des
Zildjan.
Propos recueillis par
Ludovic Egraz